Expérimenter ?
A la lecture de différents ouvrages,
de courriers ou forums, ou par des discussions, on peut se rendre compte :
- que certaines recommandations semble contradictoires,
- qu'en pratique "cela ne marche pas", alors
que tout est "OK".
Pourtant, on peut supposer, espérer au moin, que ces informations
ne soient pas tirées de l'imagination de leur auteur. Quelles explications peut-il y avoir
? Pour illustrer mon propos, j'utiliserai de nombreux exemples concrets et VÉCUS, sans dire
les noms  
Les "on-dit"
Lorsque l'on se procure une plante directement auprès
d'un amateur, on bénéficie en général de ses conseils. S'ils marchent,
on continuera ainsi, en les considérant comme vérité absolue et démontrée, puis on les répandra
comme la bonne parole. On pourra même les écrire...
Exemple : on vous donne une bouture d'un Heliamphora. Il est bien connu que cette plante
vit sur les hauts plateaux d'Amrique du Sud (Vénézuela surtout) entre 1200 m à 3045 m d'altitude pour
être précis, et que malgré la latitude tropicale, le climat y est plutôt
froid, avec une moyenne de 10° C. Cette plante détesterait donc la chaleur...
FAUX ! Ainsi, je connais quelqu'un qui les fait pousser depuis des années dans une serre avec des pointes à
50° C ! et elles fleurissent abondamment. Et les pieds dans l'eau,
en plus, ce que l'on déconseille !
En vérité, ce climat est vraiment particulier,
et il y a souvent des remontées d'air chaud venant de la forêt amazonienne. On peut
imaginer qu'une température supérieure à 40° C n'est donc pas rare, avec
un air saturé d'eau. En revanche, les nuits sont très fraîches, il peut geler.
Si vous perdez votre plante dans votre serre qui monte à 45° C en été,
ce n'est donc pas à cause de la chaleur mais plutôt à cause d'un substrat qui,
lui, fermente à cette température. Le point clef n'est donc pas une température
basse mais :
- une chute importante de la température la nuit
- une humidité très élévée
au moins le jour
- un substrat qui ne fermente pas : donc sans Sphaigne
(s'il y a risque de fermentation, évidemment) et avec des bassinages fréquents c'est-à-dire en versant ou arpergeant de l'eau.
Cette remarque est encore plus vraie pour des plantes
réputées difficiles et qui poussent dans les mêmes conditions (peut-être
plus poussées ?) comme Utricularia quelchii...
Celui qui a essayé...
Vous entendrez aussi beaucoup d'amateurs (et quelquefois
des professionnels) vous dire : "Cette variété ne donne pas de
graines fécondes. J'en ai semé des milliers et rien n'a marché."
C'est bête, mais j'ai vu des pots recouverts de
jeunes plants issus de cette même variété ! Et même des germinations "sauvages"...
Il s'agissait d'une forme rouge de la Dionée. D'où venait l'erreur ? Evidemment d'une
faute au moment de la fécondation des graines ou dans leur conservation ou encore de l'arrosage...
Le pollen de la Dionée
ne se conserve pas très longtemps.
Celui qui a observé
chez lui...
Prenons deux plants de Dionée rouge, l'un de la variété
"Royal Red", l'autre "'Akai Ryu". Et observons... Forcément, il y a deux variétés,
alors il y a des différences à trouver, mais lesquelles ?
- Tiens, on dirait que "Akai Ryu" est davantage
plaquée au sol - on dit qu'elle est "prostrée", mais le mot m'engoisse
;-)
- En tout cas, c'est net, elle est plus vigoureuse :
les pièges sont plus grands.
[Cet exemple remonte à de nombreuses années, au tout début quand ces variétés sont arrivées en France et ce qui suit est nuancé plus bas.]
C
ela fait plusieurs années que je les observe
(forcément, j'ai fait comme les copains...) mais avec des clones de divers horizons, je n'ose
pas dire "différents" : aucune différences observables, en tout cas pas
celles-là. J'ai des "Royal Red" avec des pièges énormes et des "Akai Ryu"
dont les feuilles sont aussi érigées. Certaines feuilles sont entièrement colorées,
d'autres moins, et ce chez les deux variétés. J'ai même obtenu des pièges avec des cils sensitifs surnuméraires dans les deux cas.
Un célèbre producteur
français avait observé une différence, sur des centaines de cas, au niveau des
feuilles (remarque ci-dessus) qui était plus ou moins érigées. Mais de combien de plant disposait-il ? De toute façon, ils
ne sont pas exactement au même endroit... Même dans une serre loin des obstacles, si
la lumière est plus homogène il y a un coté plus exposé et un coté
au vent et donc un mouvement de l'air dont les caractéristiques diffèrent. Je lui
ai fait part de mes remarques et un an plus tard il m'a confirmé que j'avais raison : décidément
il n'y avait pas de différences visibles.
J'avais parlé de nuancer cet exemple... En effet, à l'heure où je révise ces lignes (2009) il est connu que pas mal de gens ont multiplié par graines d'abord "Royal Red" puis plus récemment "Akai Ryu". Il est donc possible d'observer, peut-être, des différences reproductibles. Quant à la différence entre ces deux variétés, il y en a quelques-unes et je vous propose de vous rendre dans cette page pour en savoir plus. 
Ou dans la nature
Un producteur, le même ;-) avait observé que Drosera intermedia présentait des formes avec ampe florale double. Après mise en culture de tels plants
(tiens, comment il a fait sans prélèvement ?) et je crois même un début
de commercialisation, il observa que ce caractère n'était pas stable, que les plants
redevenaient normaux.
En fait, il n'y a pas de forme double ! Lorsque l'hiver
a été doux et pluvieux, cette plante est "aux petits oignons" : bonne reprise
de végétation, réserves intactes, abondance des insectes qui ont survécus
nombreux... On observe alors abondamment des hampes florales doubles, triples ou plus, et même
plusieurs hampes multiples sur le même pied. On constate aussi, c'est très révélateur,
que la plupart des pièges sont recouverts de restes de proies. 
Autre exemple
Lors d'une promenade, nous visitons une tourbière
- en l'occurrence celle d'Hostens en Gironde. On constate que l'on ne rencontre U. minor que dans les "pires"
endroits, avec une acidité maximale. La conclusion ne tarde pas, on l'écrit même
: "U. minor aime les eaux très acides, la preuve"...
FAUX ! U. minor ne recherche pas du tout les eaux
très acides. Seulement, elle est la seule a y résister ! J'ai fait pousser cette espèce
dans une eau beaucoup plus modéré et les feuilles ont rapidement atteint 2 cm de long,
c'est-à-dire le double de ce que l'on trouve d'habitude. En revanche, si j'avais placé
en même temps l'U. australis (que l'on trouve assez près de la première)
elle l'aurait supplantée par sa croissance rapide. 
"Il ne faut pas nourrir
les plantes"
Ben voyons ! Ca sert à quoi alors, que Ducros...
Ce n'est pas parce que certains font crever leurs plantes en les nourrissant qu'il faut conclure
comme eux... Justement, il ne faut pas faire comme eux ! C'est-à-dire qu'il faut :
- les nourrir puisqu'elles ont des pièges pour
ça,
- ventiler pour que cela ne pourrisse pas,
- utiliser des proies plus petites que l'on serait tenté
de le faire,
- y aller très progressivement pour les plantes
à urnes, afin que la microflore bactérienne se mette en place.
Cette pratique reste délicate pour des plantes
qui, justement, ne sont pas ventilées, comme Drosera prolifera, ou Cephalotus.
Mais dans la nature cette dernière se nourrit surtout de fourmis : ces proies sont peu charnues mais très riches,
la digestion est peut-être lente... Préférez un peu d'eau avec de l'engrais
orchidée dilué et injecté dans les urnes, une fois toutes les deux ou trois
semaines. 
Conclusions
Après vos observations, soyez
prudent de ne pas généraliser au niveau de vos conclusions. Evidemment, il est tentant
de faire connaître ses découvertes, c'est l'une des joies de ce hobby... Mais votre
travail n'a d'intérêt pour les autres que s'il est fiable, reproductible. N'oubliez
jamais que vos essais concernent très souvent un seul plant, en tout cas un même clone et dans les conditions obtenues chez vous, avec :
- des caractéristiques génétiques
propres, dont vous ne voyez que la manifestation partielle et actuelle,
- un age donné. Par exemple la
morphologie et la capacité à se colorer de la Dionée est très différent
lorsqu'elle est jeune ou agée, alors parler de ses couleurs...
- avec une taille donnée - l'humidité décroit
très vite en s'élevant du sol,
- avec un vécu donné. Par exemple une
plante qui a été abondamment nourrie par rapport à une autre "au régime",
- vivant avec de nombreux paramètres que vous
ne maîtrisez pas et surtout dont vous ne parlerez pas. Par exemple la fluctuation de la
luminosité pendant la journée ou l'année. Même avec un éclairage
artificiel : combien de lumens reçoit votre plante ? Depuis quand ? Quand avez-vous changé votre lampe ?

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