Les cas difficiles

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Mise à jour : samedi 18 décembre, 2010

Dans cette article, vous trouverez quelques réflexions sur la culture des plantes "qui résistent" à la mise en culture.

 

© 2008 CarniBase

Généralités

Notez dès à présent que le mode de culture n'est pas lié au groupe systématique, la classification de la plante, mais au biotope dans lequel elle vit.

Le biotope d'un être vivant est constitué de trois éléments :

Il s'agira donc d'imiter ce biotope dans ce qu'il a de rédhibitoire, le reste étant considéré (peut-être à tors, nous y reviendrons) comme accessoire, trivial. Cela veut dire que les conseils ne parlent que de "ce qui ne peut qu'être essentiel", parce que, en pratique, cela ne marche jamais si ce n'est pas respecté. Il y a donc des informations omises a priori, négligées ou même souvent ignorées par l'observateur.

A remarquer que, s'il y a des exemples de symbiose (association entre deux êtres vivants qui s'apportent mutuellement un avantage) il n'y a pas de cas pour lesquels l'imitation des facteurs biotiques semble nécessaire. Le Roridula, par exemple, vit avec une punaise qui la nourrit de ses excréments, elle-même profitant des nombreux poils collants qui engluent les proies mais que la plante ne sait elle-même assimiler : la plante vit très bien sans son hôte, ce facteur biotique est facultatif, il n'est donc pas nécessaire de limiter ou le reproduire. L'information est toutefois utile : il est possible de vaporiser de l'engrais sur le feuillage, qui est spécialement adapté à cette absoprtion.

On essaye donc d'imiter ces caractéristiques :

Le débutant apprend tout d'abord à maîtriser l'eau, les différents substrats, à respecter le cycle des saisons, et ce pour les différentes plantes qu'il cultive. Toutes les plantes réputées difficiles ne le concernent pas et le feront rêver encore longtemps. Au gré des rencontres, il s'essayera à cultiver un bout d'Aldrovanda ou une Grassette alpine alors qu'il vit dans une région chaude. Elle périra et il n'y reviendra que plus tard, peut-être jamais.

L'amateur confirmé, le professionnel (producteur ou chercheur scientifique) cherche souvent à cultiver, pour des raisons variées, les espèces les plus mystérieuses, celles que l'on a tant de mal à trouver au point que l'on ne connaisse que peu de choses sur leur culture. Il cherchera à simuler les variations au cours de l'année ou de la journée de tout ce qui est mesurable et contrôlables, notamment la température.

L'imitation du biotope

Démarche empirique

Dans ses premières tentatives, notre pionnier s'attachera donc à découvrir les conditions de culture de cette plante.
Sa première idée, si l'espèce est exotique, est de rechercher les conditions climatiques d'origine. Il fera ses premiers essais grâce à des observations rapportées. Si cela marche, il pensera avoir découvert LE mode de culture idéal... jusqu'au jour il constatera que cela ne marche plus soit, chez lui soit, chez la personne à qui il aura transmis son savoir. C'est là que la plante commencera sa réputation, deviendra une plante difficile, "un cas extrême".

Démarche scientifique

Il s'agira maintenant d'isoler les différents facteurs et là, la méthode empirique précédente ne suffit plus. Seul un travail méthodique peut être efficace, en fait une véritable démarche d'expérimentation scientifique.

Dans cette nouvelle démarche, en dehors du facteur isolé et étudié, les essais devront donc porter :
- sur des plant issus d'un même clone (c'est-à-dire souche) pour que les gènes soient identiques. Si possible ils devraient être issus d'une multiplication récente pour que l'historique des deux plantes soient identiques. Divisez une Utriculaire comme U. vulgaris et placez seulement quelques jours un brin à l'ombre en fin d'été. Replacez-les ensembles et vous ne verrez apparaitre des hibernacles que sur l'un...

Le dernier point est le plus dur à obtenir. Des récipients avec une taille différente donnent des variations extrêmement différentes au cours de la journée :

On comprendra que c'est affaire de spécialiste un peu maniaque pour ne pas dire plus ;-)
Sans aller jusqu'à ces extrêmes (on pourrait en ajouter), il faut au moins connaître ces bases si l'on veut expérimenter dignement sans quoi on diffusera des informations erronées très difficiles à rectifier et qui perdent et découragent le néophyte. Je cite souvent les Heliamphora qui ne craignent pas, en réalité, la chaleur, mais aussi Aldrovanda qui n'a pas besoin de proies mais de matière organique, les plantes carnivores qui prétendument ne supportent que les pH acides alors que l'on rencontre régulièrement les espèces les plus classiques, "vulgaires" pour le coup, sur du calcaire (P. vulgaris) ou dans des eaux neutres (U. vulgaris), etc.

L'essentiel est au moins de ne pas cumuler les erreurs comme travailler avec deux plantes, l'une grande, cultivée dans un vaste récipient en polystyrène sur un sol en ciment et près d'un mur et l'autre, petite bouture de la première, mais cultivée dans un petit récipient posé sur une table métallique et collé contre la toile de la serre. A moins de constater qu'il n'y a aucune différence car là, il y aurait une info !

On ne perdra jamais de vue que de nombres facteurs "masqués" sont présents et non remarqués, que ce soit en observation dans le milieu naturel ou en expérimentation. Par exemple, vous opérez dans une serre banale de type tunnel, non régulée, et les plantes vivent naturellement au rythme de votre climat, tempéré, avec ses variations propres de températures et d'éclairements. Ces variations ne seront pas notées. Plus simplement, celui qui expérimente en Franche-Comté ou le Jura, avec de fortes variations thermiques entre la jour et la nuit, n'obtiendra pas les mêmes résultats qu'à Biarritz, très constant et humide, qu'à Marseille, stable en température mais sec. Il faudrait donc toujours préciser un minimum d'informations sur ces conditions sous-entendues seulement pour l'expérimentateur. Ainsi, Triphyophyllum, pratiquement inconnu en culture, recouvrait la véranda d'un Jardin Botanique il y a quelques années... Sauf que, petit détail, c'était celui d'Abidjan !

La même remarque est, ô combien ! valable entre ceux qui cultivent en extérieur et ceux qui utilisent un terrarium avec lumière artificielle. Un grand nombre des contradictions apparentes entre les différents témoignages (je pense en l'occurrence à celles des divers sites Internet) proviennent de cela.

Un exemple d'expérimentation

Je voulais montrer que la taille du pot était essentielle, capitale, pour obtenir de grands Sarracenia ou, en tout cas, une croissance rapide.
Le protocole habituel de base, dans une expérimentation, consiste à ne faire varier qu'un seul facteur. Dans le cas présent, il est difficile en toute rigueur d'utiliser exactement la même taille de plants et de ne changer que la taille des pots. Un laboratoire utiliserait alors les statistiques avec des milliers de plants qui seraient pesés, etc. J'ai préféré utiliser une petite astuce : puisque j'avais supposé que le grand pot favorisait la croissance, il suffisait d'y placer le plus petit plant, en espérant qu'il rattrape ! Deux remarques sur la rigueur scientifique :
- Cette expérience ne dispense pas normalement de réaliser une série. Par exemple, il est possible que sur seulement deux plants, celui dans le pot le plus petit était dans un état de santé moins bon, ce qui fausserait le résultat.
- Si le retard est rattrapé, on peut conclure favorablement (mis à part la remarque précédente) mais si le retard n'est pas rattrapé on ne peut toutefois rien conclure... C'est la différence avec le protocole habituel expliqué plus haut : avec des milliers de cas et des pesées, on peut tracer des courbes, réaliser un travail quantitatif. Ce n'est pas important ici car ce n'est que qualitativement que le sujet est abordé, autrement dit juste la vérification expérimentale d'un effet souvent observé grossièrement. Je faisais en quelque sorte le pari que le petit plant rattraperait son retard.

Dans l'expérience, j'ai ainsi partagé un même plant de Sarracenia rubra jonasii en deux parties, le plus équitablement possible et le rhizome le plus petit a été placé dans le pot le plus grand. Si ce point était un avantage, la petite plante devait rattraper la grande puis la dépasser. Au bout de deux ans, le résultat est inespéré, comme on peut le voir sur la photo [cliquer pour un agrandissement].
Pour information, j'ai dû quitter la région pendant cette période et la personne qui s'occupait des plants n'était pas au courant, les plantes étant parmi de nombreuses autres : c'est la technique dite "de l'aveugle", qui évite que l'expérimentateur inconsciemment ne favorise un cas plutôt que l'autre.

Le volume du grand pot est environ 8 fois celui du petit.
Le plus petit n'a pratiquement pas grandi.
Bien que d'une influence négligeable pour cette espèce, on peut remarquer que :

  • le grand pot contenait en plus une Dionée, du reste devenue particulièrement vigoureuse elle aussi (plus de 25 cm de diamètre et trois floraisons en juin, août et septembre !) alors que les plantes auraient pu se gêner mutuellement,
  • les couleurs des pots sont différentes (le blanc chauffe moins vite).
  • le grand pot est à réserve d'eau, l'autre était avec d'autres avec un à deux centimètres d'eau en permanence.

Ces différences auraient plutôt tendance à s'opposer à cette effet qu'à le favoriser et la conclusion est donc tout à fait recevable.

Deux catégories

Selon moi, on peut raisonnablement classer les plantes réputées les plus difficiles, voire celles qui sont pratiquement inconnues en culture (en cycle complet) dans l'une des deux catégories suivantes :

  1. Celles (comme Triphyophyllum sans doute) qui dépendent de variations dans la journée ou dans l'année, de :
  2. Celles qui dépendent au contraire d'une stabilité du milieu alors que celui-ci tend spontanément et immanquablement de dériver vers un état soit, plus stable mais inadéquat soit, accompagnant les variations ambiantes. Cela concerne beaucoup les propriétés chimiques du sols ou de l'eau pour les plantes aquatiques. Le cas typique est celui d'Aldrovanda.

Il est très facile d'obtenir un milieu idéal pour Aldrovanda, même s'il y a pas mal de préparations tout de même, mais ses caractéristiques dérivent immanquablement soit, vers une fermentation puis une asphyxie du milieu soit, un envahissement par les algues. Les deux "solutions" trouvées, fausses mais commodes, consistent soit, à compenser régulièrement les écarts auquel cas elle poussent très bien dans un petit litre d'eau (vite envahi) soit, à utiliser un grand récipient (une centaine de litres) auquel cas la dérive est plus lente, mais inexorable, ce qui est d'autant plus dangereux que l'on fini par oublier le fait...
Toutes les plantes qui apprécient un écoulement d'eau régulier sont dans le même cas, comme certains Pinguicula de montagne. Cette eau doit même être plutôt froide comme pour Darlingtonia, en tout cas absolument pas chaude.

Ces catégories, artificielles, ne visent qu'à orienter la démarche du cultivateur : en effet, pour la première, celle-ci sera à l'inverse par rapport à la première : on cherchera à stabiliser ce qui change spontanément au lieu de faire varier ce qui est stable. Il y a des conséquences imaginables sur le plan de l'intervention humaine et la création de systèmes automatiques.Retour en haut de page

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