Reproduction
des
Sarracenia

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Mise à jour : mardi 21 décembre, 2010
Révision complète le vendredi 23 mai 2008

© 2007 J.Ph. ROSELLO

Cette page traite de la Reproduction végétative et surtout de la Reproduction sexuée, donc par graines.

Si vous avez des questions complémentaires, voir Contact.


Reproduction végétative

Dans le genre Sarracenia il n'y a de possible que le partage du rhizome.

Avant d'envisager quoi que ce soit, sachez que si vous divisez un plant qui ne produit pas encore d'urnes adultes, vous risquez ralentir leur apparition.

Il y a tout de même diverses modalités plus ou moins adaptées aux espèces ou hybrides :
- Sectionner une extrémité ou même le morceller convient bien à S. minor et souvent S. oreophila car les vieilles feuilles brunissent et se détachent facilement, laissant un rhizome net facile à couper,
- la division de touffes se pratique davantage avec S. purpurea, S. rubra et S. psittacina, tous simplement parce qu'ils en forment et que les feuilles sont très rapprochées avec une base persistante,
- S. leucophylla, S. flava enfin, se développent en énorme couronne lache donc cela tient des deux méthodes selon le cas.

Il s'agit de grandes lignes et cela dépend du clone, c'est-à-dire de la lignée. Des différences se voient même dès le semis. Les plantes qui forment peu de pousses ont intérêt à être partagées plus souvent pour augmenter leur nombre, sans quoi on se retrouve avec une masse de rhizome et trois feuilles au bout. Dans la nature c'est une sécurité qui peut garantir la survie, mais vous êtes là pour veiller sur votre plant...
S. minor a une forte tendance à pousser ainsi et diviser le rhizome demande de creuser le substrat puisque c'est, en plus, la seule espèce qui pousse entièrement à l'intérieur de celui-ci. Il faut sectionner puis décaler les extrémités pour faire en sorte qu'elles ne risquent pas d'être attaquées par une moisissure : en les laissant rapprochées tout se passe comme si vous aviez fait une entaille confinée, propice aux attaques de champignons. Un fongicide n'est pas un luxe. C'est là que l'intérêt de planter des brins de Sphaigne lors du rempotage s'avère utile : elle recouvre vite la surface puis grandit et le rhizome va pousser souvent à l'intérieur. (C'est un très bon truc aussi pour le Darlingtonia.)

L'idéal serait de procéder au printemps au tout début de la reprise. Le pire est donc l'opposé, l'automne, au moment où la plante entre en repos et les blessures aux racines seront autant de portes d'entrée pour les moisissures. Voir Les rempotages.

Un autre mode est la culture in vitro. Ses principes sont identiques pour les Sarracenia que pour la Dionée - voir le sujet.

Reproduction sexuée

Remarques prélables

Les fleurs des Sarraceniacées sont souvent intéressantes, voire très belles. Mais si la reproduction par graines (donc à partir de fleurs) est très difficile pour le genre Heliamphora, d'intérêt assez limité pour le genre Darlingtonia qui n'a qu'une espèce donc pas d'hybride, celle des Sarracenia est vraiment très facile à réaliser artificiellement et permet toutes les combinaisons.

Les fleurs sont hermaphrodites (à la fois mâle et femelle) et apparaissent de la fin de l'hiver au milieu du printemps, avec un certain étalement selon l'espèce : S. flava est très précoce, S. minor est tardive, fleurit jusqu'en juin. Des fleurs peuvent apparaître très en retard mais avorteront. J'ai même eu une fleur fin septembre, pratiquement sans tige donc rester à l'envers et néanmoins parfaitement ouverte...

Plutôt que de longues explications, voici tout de même comment on écrit les noms concernés, car on trouve de tout sur le Net :
- famille des Sarraceniacées, (majuscule, fémin pluriel et invariable comme toutes familles de plantes),
- genre Sarracenia (majuscule, masculin, singulier, et invariable comme tous les noms de genre),
- espèces flava, rubra, minor, etc. (JAMAIS de majuscule, singulier et invariable)
Pour s'en souvenir, on dit UNE famille et UN genre... Donc il faut dire "Ce Sarracenia est une Sarracéniacées très grande" mais "Ce Sarracenia est très grand"...

Ce n'est pas parce que vous lisez dans le PC Data Base les noms entiers entre crochets que vous devez faire pareil ! C'est une base de données avec un mode de présentation ayant sa propre convention de présentation expliquées dans une page spéciale. Les crochets qui entourent les noms entiers ne font pas partie de la nomenclature internationale et ne servent qu'à isoler le nom du reste de l'article pour éviter les erreurs. Ce n'est pas le cas pour les crochets qui isolent un groupe dans un hybride complexe et qui fonctionnent, eux, comme les crochets en algèbre.

Rappelons qu'il y a huit espèces du genre Sarracenia reconnues actuellement, SS. alata, flava, leucophylla, minor, oreophila, psittacina, purpurea et rubra, pas une de plus ! Mais S. flava présente plusieurs variétés, et d'autres espèces ont quelques sous-espèces. D'après les conventions botaniques actuelles, la forme qui sert de référence et que l'on espère (ou suppose) souvent comme l'origine du groupe est nommée actuelle "forme type" mais il y a peu on doublait tout simplement le nom. Par exemple la forme type de S. rubra est "S. rubra type", ce que l'on écrivait il y a quelques années comme "S. rubra rubra". Vous verrez encore cette écriture mais évitez-la. Le nom du type était donc traité comme une sous-espèce virtuelle qui portait le même nom. Ceci est valable aussi pour les variétés sauvages. On n'écrit donc plus S. flava flava ou S. flava var. flava mais S. flava type ou S. flava forme type.
Attention, il n'est pas interdit de parler de la forme type d'une région, par exemple lorsque la forme en question est majoritaire. Au sujet de S. flava, on peut parler de "la forme type du Golfe du Mexique S. flava var.rugelii" (Slack).

Pour S. rubra, il y a en plus de la forme type, ssp gulfensis, alabamensis, jonesii et wherryi ; pour S. purpurea, il y a la forme type et ssp. venosa avec quelques variations et pour S. minor il y a en plus ssp okefenokeensis, géante et aquatique qui est le Sarracenia qui fleurit le plus tard (chez moi en tout cas) sans doute à cause de l'eau qui maintient une température plus basse plus longtemps au printemps.
Il existe chez la plupart des espèces des formes géantes, naines, entièrement vertes (qualifiées de "heterophylla" en latin ou "anthocyan free" en aglais), fortement rayées, très colorées, velues (dites "pubescentes") ou avec des couleurs de fleurs inhabituelles. Il y a même un cas au moins de fleurs non pas doubles comme je pensais mais avec seulement de nombreux sépales surnuméraire : la mutation S. leucophylla "Tarnok".

Si vous étudiez un hybride, tenter de retrouver les parents est très incertain ! Pour un plant immature, vous pouvez retenir que la couleur des jeunes plants est souvent plus vive mais moins nuancées : les détails comme certaines taches ne se formeront pas ou très peu. Il y a heureusement des signes qui permettent tout de même de retrouver les espèces ancestrales mais c'est la proportion, le rang de chacun, qui est beaucoup plus difficile. Vous trouverez ces signes dans ma page sur l'hybridation des Sarracenia.

Voici le dessin d'une fleur. Elle est d'ordre 5 donc tous les organes sont au nombre de 5 ou multiples, en tout cas dans la fleur parfaite. Il y a ainsi 5 sépales rigides et souvent colorés mais trois d'entre eux ont été enlevés, ainsi que beaucoup d'étamines.. Il y a aussi 5 pétales enlevés également pour montrer l'intérieur. Les 3 "sortes de sépales" tout en haut sont des restes de l'évolution et leur aspect est très variable, il s'agit en fait de bractées, feuilles spéciales très souvent modifiées qui accompagnent les fleurs mais n'en font pas partie. On voit qu'elles sont à l'écart de la fleur bien que souvent colorées elles aussi.

Technique d'obtention

Les grains de pollen à maturité tombent en masse des étamines et arrivent dans le creux du "parapluie" que forme le pistil et il ne faut pas tarder à les utiliser.

Il suffit de prélever le pollen et de le déposer sur les stigmates disposés à l'extrémité des "baleines" du "parapluie".
Le schéma ci-dessus montre la structure de cette fleur et la zone d'un stigmate fortement grossi (scanné directement). A signaler que, en dehors (peut-être...) des sacs polliniques toutes les pièces florales varient énormément selon les espèces ou variétés, que ce soit en taille, couleur ou même odeur, ce qui rend très intéressant la pratique de l'hybridation. Ce sera l'objet de la page suivante.

Plutôt qu'un pinceau, j'utilise de préférence le petit doigt pour récupérer, déposer et presser ce pollen sur les stigmates, qui sont à peine assez collants pour retenir les grains : le pinceau en dépose peu, et la détente inopinée des poils en projette beaucoup dans l'air (même si c'est invisible), ce qui ne garantit plus la pureté des croisements alentours. De plus, s'il est prévu de récolter le pollen de cette fleur celui-ci sera pollué par le pollen étranger projeté.

Lorsque tous les sacs polliniques ont largué leur pollen, la fleur n'est pratiquement plus ou très peu féconde (expérience personelle), à plus forte raison quand les pétales tombent. Pour un résultat optimal, la fleur mère devrait donc être à peine éclose.

Pour un usage différé, le pollen doit être conservé au réfrigérateur (comme les graines) si possible avec un agent dessiccant (= qui absorbe l'humidité) : lorsque, par exemple, S. minor fleuri cela fait longtemps que les fleurs de S. flava sont fanées... En effet, si l'enveloppe protéique des grains de pollen a la réputation d'être "indestructible" (cf. pollen fossile) ceux-ci perdent leur fécondité assez rapidement.

Pour information, plusieurs études ont démontré, sur d'autres cultures (pomme, pêche, bleuet, canneberge) que certains fongicides étaient toxiques à la germination du pollen et diminueraient plus ou moins les rendements et la qualité des fruits, donc ici des graines. Je confirme qu'il y a un problème et vous constaterez facilement qu'une partie des fleurs ne larguent pas leur pollen et que les étamines restent fermées, ce qui est différent de la germination mais manifestement pas étranger. J'ai eu des résultats catastrophiques avec des S. flava en particulier... J'ai pensé un moment que certaines variétés étaient plus sensibles que d'autres mais maintenant je pense plutôt que le problème était lié à la floraison précoce de cette espèce : les autres Sarracenia ont eu le temps d'éliminer le produit avant la formation des anthères. Dans l'expérience il s'agissait de Myclobutamyl, que l'on trouve par exemple dans des produits KB, aussi je vous le déconseille formellement, SEULEMENT pour cette période.
Le Benomyl (Benlate) et le Captan semblent être moins toxiques sur ce plan - d'après des documents professionnel. Essayez donc de traiter vos plantes au moins 15 jours avant la fécondation, cela évitera bien des ennuis... Pour information, il faut préparer le produit au moment de l'utilisation car leur durée de conservation n'est pas forcément très longue. Vous pouvez vérifier sur le Web la durée de vie mais sachez par exemple que la demie-vie de Bénomyl (substance active du Benlate) dans l'eau n'est même pas d'une journée - cf. article du Wikipédia.

Les pétales tombent rapidement et le reste se maintient très longtemps, souvent jusqu'à l'automne. C'est une manière de conserver un stock de graines loin du sol, qui pourra même germer plusieurs années après. L'évolution a sans doute conservé ce mécanisme parce que seules les plants qui présentaient cette particularité ont survécu à des sécheresses locales...

La fécondation produit en général un effet intéressant : le redressement partiel ou total de la fleur. L'intérêt n'est pas évident... Je pense que cela permet au pollen accumulé dans "le parapluie" du pistil de tomber, se disperser au vent au lieu d'y pourrir aidé par l'eau qui s'y dépose. Le phénomène, me semble-t-il, accélére la chute des pétales : il n'est pas rare de les voir tomber dès le lendemain et cela permet peut-être aussi d'éviter quelques moisissures en évitant le confinement.

Il est conseillé généralement dans la littérature de répéter plusieurs fois l'opération, une fois par jour pendant plusieurs jours, ce qui peut être délicat : si l'on veut être sûr de l'origine des parents l'utilisation d'un même pinceau pour des croisements variés nécessite lavage à l'eau courante, trempage dans l'alcool et séchage après chaque opération. En utilisant l'auriculaire, le nettoyage est simplifié, il suffit de le passer sur une éponge récurante pour décoller tous les grains. Il est vraiment regrettable de voir des plantes multipliées sans aucun soins par graines et porter des noms manifestement incorrects et, pire, être diffusés sous ce nom. Après 100 à 150 essais, je dois dire que le nombre de graines ne semble par dépendre tellement du nombre de passages mais de la quantité de grains de pollen déposé, de leur fraîcheur et aussi, un peu moins semble-t-il, du temps écoulé depuis l'éclosion de la fleur qui donnera les graines. J'obtiens couramment des centaines de graines en une ou deux fécondations. L'âge du pollen par contre ne pardonne pas, il se conserve très peu de temps, peut-être 4 ou 5 jours. De toute façon il moisit très facilement, noyé dans le nectar très abondant qui s'écoule. L'utilisation de l'auriculaire se montre encore redoutable vis-à-vis de la quantité de grains déposés : ils s'agglomèrent sur le doigt et restent ainsi sur le stigmate de la fleur, le dépôt est très élevé, d'autant que l'on peut appuyer.

Pour reproduire une espèce afin de limiter l'autofécondation, il vaut mieux utiliser des plants de sources différentes (le terme exact est clones différents) car il y a en effet un risque de dégénérescence. Cela n'a rien d'obligatoire. Lors d'hybridation, il arrive spontanément que du pollen d'un pied féconde une de ses propres fleurs, vous aurez du mal à l'éviter. Soyez donc prudent lorsque vous faites des semis : si le plant ne présente aucun caractère du père (donc le donneur de pollen) vous avez au mieux une autofécondation. Cela ne veut pas dire non plus que ceux-ci seront identiques au pied mère : des gènes récessifs se manifesteront car des gènes dominants disparus n'auront plus leur effet de "masquage", etc. Est-il besoin de dire que si vous croisez des plants issus de la division d'un même pied, il s'agit tout de même d'autofécondation ? Les gènes restent, bien sûr, les mêmes chez les deux parents...

Le secret des horticulteurs avisés consiste à croiser un plant avec son père ou sa mère. C'est la meilleure manière de faire émerger des caractères rares. Attendez-vous à des bizarreries... Cette technique s'appelle le back-cross, que l'on peut traduire par "croisement rétroactif".

Les fruits et graines

Au cours de l'été, l'ovaire se transforme en fruit (au sens botanique du terme...) et contient à maturité, à la fin de l'été et en début d'automne, des centaines de graines comme le montre cette "photo" (objets directement scannés). Dans un seul fruit de S. purpurea venosa, j'ai compté jusqu'à 800 graines. Il faut compter quatre mois de maturation. Leur couleur varie avec l'espèce du pied porteur, donc la mère : brun café, brun chocolat, brun rosé (S. minor)... Mais on observe beaucoup de différences selon les fruits d'une même plante.

Le fruit peut rester assez petit et être plein de graines comme beaucoup grossir et être plein d'air ! C'est assez bluffant et cela rrive en particulier sur ceux qui sont allongés. Les fruits bien ronds et gros ne trompent pas, on dirait qu'ils vont éclater et lorsqu'on tape dessus avec l'ongle, on obtient un bruit compact, mat. Inversement, S. purpurea produit des fruits gros et ronds mais souvent creux et sans la moindre graine.


Fruit ouvert et graines de Sarracenia minor

Elles seront conservées au froid de préférence et semées au début du printemps de l'année suivante ou ultérieurement mais certains les sèment immédiatement, si elles sont obtenues assez tôt. Elles ne sont pas éternelles toutefois. Après semis, il n'est pas rare de voir quelques graines germer une ou plusieurs années plus tard. N'oublions pas que la tourbe conserve bien et c'est une sacrée sécurité pour des milieux humides souvent susceptibles de sécheresse exceptionnelle.

Résultats

Maintenant que je vous ai fait un peu rêver, il faut vous avouer que la première année les plants mesurent environ 2,5 cm de haut, puis 5 cm. Ils sont alors peu colorés, bien que les tendances soient déjà marquées en général. Les pièges sont primitifs, dits "juvéniles" peu différents d'un croisement à l'autre, si ce n'est au niveau de leur inclinaison. Par exemple, les descendants des S. purpurea ou S. psittacina auront très tôt des feuilles obliques, un peu penchées vers l'extérieur... C'est le moment de rempoter car la troisième année, la taille est d'une vingtaine de centimètres et la plante prend une bonne partie de ses caractéristiques adultes, bien que "simplifiés". Elle fleurit la quatrième ou la cinquième année, ce qui vous permet de voir, enfin, les caractères de la fleur, de réaliser un back-cross avec l'un des parents, etc.

Les jeunes plants ont souvent des urnes qui poussent d'abord couchées ("prostrées") alors que les adultes (à ce stade les parents et grands-parents) n'ont pas ce caractère. On pourrait considérer que cela pourrait présenter un avantage pour des plants minuscules mais, n'en voyant aucun, il peut s'agir aussi d'un caractère ancestral. Il en résulte (ce n'est que mon avis) que l'ancêtre des Sarracenia avait sans doute seulement ce type d'urne et peut-être même qu'il était très proche de S. purpurea. Ce phénomène d'urnes couchées existe aussi dans le genre Darlongtonia mais non le genre Heliamphora. On remonte peut-être à l'ancêtre commun des Sarracenia et des Darlingtonia...

Cette Sarracenia flava fortement rayée est sans doute une création horticole : la véritable forme "fortement veinée", dont le qualificatif exact est ornata, présente à l'extrémité de la feuille un prolongement typique qui s'enroule sur lui-même (ce qui n'est pas le cas ici). Ce plant résulte vraisemblablement du croisement entre les variétés "ornata" et "rugelii". Ce n'est donc pas un hybride au sens strict (même espèce).
Le sélectionneur a conservé parmi la descendance le plant qui a hérité des qualités intéressantes des parents.