Utricularia quelchii
notes de culture

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Mise à jour : samedi 18 décembre, 2010


U. quelchii, très rare en collection, est une plante équatoriale d'altitude, célèbre pour ses grandes fleurs rouge-vif ou plutôt magenta. Elle pousse le long de cascades qui descendent des tepuys en Amérique du Sud, bien connus surtout pour leurs Heliamphoras. Elle nécessite donc une amplitude importante entre les températures diurnes et nocturnes avec une moyenne assez basse. A priori, ceci devrait être constant toute l'année (pas de saison à l'équateur) mais en pratique on observe une période de repos, qui se manifeste en été en Europe. De culture délicate et en fait mal connue, j'ai dû utiliser différentes astuces pour d'abord la maintenir puis la développer.

Vous trouverez ici mes premiers essais. Sébastien BLASZKO m'a envoyé les belles photos que j'ai montées ci-contre et qui m'ont incitées à lui demander ses conseils de culture, manifestement efficaces, que vous trouverez à la suite.

Tentative à la saison chaude
Observation au 04/02/2001
Rempotage le 08/02/2001
Observation au 16/02/2001
Observation au 28/08/2001
Observation au 15/09/2001
Observation au 02/01/2002
Conseils de culture de Sébastien BLASZKO
© 2008 CarniBase

Tentative à la saison chaude

Lorsque je l'ai achetée en avril 2000, j'habitais Strasbourg donc sous un climat continental avec une amplitude thermique élevée et une moyenne encore faible au printemps. Donc supportable par la plante. Je ne disposais que de 2 ou 3 feuilles d'1,5 cm environ pour 14 €. Elle poussait dans un petit récipient rempli de sphaignes. Le contenu a été transféré dans un pot carré jetable, un peu plus grand, en plastique souple, de 7 cm de coté. Il contenait un fond de 2 ou 3 cm de mélange tourbe et vermicullite. De la tourbe a été ajoutée en versant lentement par le dessus une eau fortement tourbeuse jusqu'à ce que l'écoulement soit sensiblement ralenti. Un arrosage final à l'eau pure a nettoyé l'utriculaire et la tête des sphaignes. Le résultat est une combinaison hétérogène, variée et aérée, qui va de la sphaigne pure vivante au sommet au mélange classique tourbe-vermicullite à la base, en passant par un mélange tourbe-sphaigne morte (base des sphaignes vivantes du dessus). La plante peut donc pousser dans le milieu "de son choix", le plus adapté : il suffit ensuite de regarder... (voir plus loin).

Un grand bac de culture avec une grande S. flava ornata (plus de 70 ascidies) était posé sur un rebord de fenêtre, en extérieur. J'ai placé le pot d'U. quelchii sur la tourbe derrière la touffe de Sarracenia : ainsi quelques rayons de soleil le matin l'atteignaient. Puis c'était une mi-ombre dans la journée MAIS avec la luminosité du ciel. Coté opposé à la Sarracenia, une plaque blanche renvoyait une partie de la lumière vers l'utriculaire, augmentant encore la luminosité (importante en montagne, surtout à l'équateur) SANS augmenter la température. Un banal couvercle de bocal servait de soucoupe basse sous le pot et retenait quelques millimètres d'eau. Dans ces conditions, la plante était à peine croissante (ce qui est déjà beaucoup !) et souffrait semble-t-il un peu de sécheresse. Je me suis alors dit qu'une bonne douche le matin ne pouvait que la rapprocher des conditions naturelles. Je laissais tomber depuis une vingtaine de centimètres l'eau de la soucoupe-couvercle, refroidie pendant la nuit et qui pouvait contenir davantage d'animalcules consommables par la plante qu'une eau « propre ». Les feuilles ont alors reverdi, se sont épaissies, et de nouvelles sont apparues !

En fin d'années, je suis revenu habiter à Bordeaux donc sous un climat océanique avec une amplitude thermique assez faible et une moyenne plus élevée qu'à Strasbourg à la même époque. J'ai utilisé alors un terrarium déjà en place :

  • Volume de 120 litres.
  • Emplacement : dans un garage non chauffé (reste à peine hors gel)
  • Exposition : angle du bâtiment, au nord-ouest, très éclairé par la lumière du jour.
  • Chauffage par résistance à fil enterrable pour terrarium, de 50 W. Le chauffage au sol est anti-naturel et en réalité j'ai monté cette résistance sur un cadre en alu placé dans le sens de la longueur du terrarium mais verticalement (coté nord).
  • Température stabilisée par un thermostat collé SUR le terrarium dont le réglage est relatif : une graduation en plus correspond à un degré en plus MAIS pas à une température précise. On la mesure donc séparément DANS le terrarium pour le calibrage puis on ajuste le thermostat en fonction de ce que l'on souhaite.

Pour simuler la chute nocturne de la température, une minuterie mécanique à bas prix coupe ou allume l'ensemble à heure fixe. Il en résulte qu'à 22 H le chauffage est coupé pour être rallumé à 7 H du matin. A ce moment là, la température a bien baissée pendant la nuit et le thermostat laisse passer le courant tant que la température maximale n'est pas obtenue CE QUI N'EST PAS ASSURÉ PAR LE SYSTÈME ! En effet, il est possible que la chaleur produite dans la journée s'avère insuffisante pour atteindre cette température s'il fait très froid à l'extérieur, avant que la minuterie ne recoupe l'ensemble le soir.

Le terrarium entier est emballé dans une feuille de plastique à bulles (bulles tournées vers le verre) pour atténuer les déperditions. On limite de cette manière la chute des températures nocturnes et on facilite l'obtention de la température supérieure de coupure. A la sortie de l'hiver, il faut enlever la feuille dès que la température nocturne du local s'approche de la température minimale souhaitée autrement celle-ci resterait supérieure.

Un thermomètre à maxima-minima est placé dans le terrarium pour contrôle.

La base du pot trempe dans 2 cm d'eau.

Espèces également cultivées dans le terrarium : Aldrovanda australienne (forme rouge), D. hamiltonii, Utricularia sp amphibie tropicale, D. adelae, D. prolifera.

Observation au 04/02/2001

Après 15 jours sans intervention, le relevé à donné 7°C/28°C, ce qui est exactement ce que j'espérais ! Le rhizome produit de nombreuses feuilles d'abord étroites qui grandissent ensuite en largeur.

Je n'ai pas défait la motte mais en retirant le pot on constate que le rhizome ne descend pas, pour l'instant, plus bas que les 2 cm supérieurs du mélange, au moins contre le pot. Il semble qu'il s'étend dans la zone limite juste à la base de la partie vivant de la Sphaigne, zone de transition en fait pauvre en tourbe et d'où partent vers le haut la base des feuilles. Le fait que la plante n'ait pas poussé dans le mélange tourbe-vermicullite pourrait, en toute rigueur, s'expliquer par la profondeur où elle est plus que sa nature. Il faudra donc faire d'autres essais lorsque la plante aura été multipliée.

Rempotage le 08/02/2001

Il reste donc à rempoter la motte dans un récipient plus grand. On a constaté que la tourbe n'est pas utilisée et il suffit de prendre un bloc de Sphaignes et d'y découper au milieu un trou de la même taille que le récipient d'origine. Le plus simple est d'ailleurs d'utiliser celui-ci pour le former. Ce n'est qu'à la fin que le transfert est fait. L'Utriculaire n'a pas été perturbée, sa croissance peut continuer.

A remarquer que depuis la dernière observation la température maximale est passé à 32°C. Il vaut mieux baisser un peu le thermostat (environ 1°C).

Observation au 16/02/2001

Il semblerais que l'Aldrovanda « forme rouge » poussant dans le terrarium n'apprécie guère la température nocturne, qui est de l'ordre de 10°C. J'ai donc effectué divers essais pour faire remonter cette dernière :

  • Réduire la durée de la phase nocturne, par exemple de 23 h à 6 h 30.
  • Réaliser un court réchauffement d'une heure pendant la nuit (par exemple de 3 h à 4 h du matin) ou deux d'une demie-heure. L'appareil utilisé le permet car réglable avec de petits picots que l'on enfiche pour les allumages et extinctions : on peut donc en placer beaucoup.
  • Couvrir d'avantage.

Observation au 28/08/2001

Le terrarium atteint des températures très élevées, avec peu de chute la nuit. Il a fallu retirer U. quelchii. Elle a donc passée l'été a divers endroit : serre, véranda très fraîche au nord mais peu lumineuse, extérieur au nord. Apparemment, c'est ce dernier qui convient le mieux pour maintenir la plante mais pas la développer.  Elle a beaucoup souffert de la chaleur, très certainement nocturne. Des feuilles ont disparue mais d'autres se sont formées, enfoncées dans la sphaigne. Elle doit restée sous cloche pour l'humidité. Il faudrait pouvoir refroidir la nuit, où il arrive que cela ne descende pas au dessous de 25°C !

Observation au 15/09/2001

Depuis quinze jours la température a chutée, surtout la nuit. La plante semble retrouver de la vigueur. Je recoupe un peu les têtes de Sphaignes, un peu trop recouvrantes. Pour l'instant, les meilleures conditions étaient celles de février, avec des températures  7°C/28°C.

Observation au 02/01/2002

Elle a été placée dans le garage a coté du terrarium car celui-ci est plein ! Je me suis absenté quelques jours, et justement il ya eut une vague de froid exceptionnelle. Pendant ces jours-là, la température dehors a été de -7 à - 9°C, dans le garage sans doute - 3°C et dans le terrarium de +9°C. La Sphaigne a complètement gelée et restait ainsi pendant le jour. Les feuilles d'U. quelchii n'avaient pas l'air trop abimées. Je l'ai arrosée avec une eau fraîche puis placée alors à l'intérieur dans un endroit frais. La plante n'a absolument pas été affectée par le gel ! Dans le terrarium, les Aldrovanda tropicales que j'avais (forme rouge plus la forme normale acquise depuis) ont produit des hibernacles - comme quoi il est faux de prétendre qu'elles n'en font pas !

J'ai perdu la plante en été 2002, manifestement faute de connaître l'existence de cette période de repos estival dont parle Sébastien ci-dessous.

J. Philippe ROSELLO

Conseils de culture de Sébastien BLASZKO

U.quelchii est présentée au premier abord comme une plante difficile à maintenir en culture, ces propos conjugués à sa rareté et un prix de vente relativement élevé ne favorisent pas sa diffusion en culture.
Il se trouve que je cultive cette plante depuis environ 5 ans, et sous peine que l'on respecte quelques impératifs mineurs, elle ne s'avère pas si capricieuse que l'on le laisse entendre. J'utilise un mélange drainant (détaillé ci-dessous) dans un pot rond pour nénuphars avec soucoupe.

Compost

Sphaigne du Chili, (4 volumes)
Tourbe blonde, (2 volumes)
Pouzzolane fine, (1 volume)
Séramis ou perlite, (1 volume)
Sphaigne vivante en surfaçage.

NB : la présence de pouzzolane dans un mélange pour une Utriculaire épiphyte peut surprendre, mais sachant que l'on trouve U.quelchii poussant au niveau des infractuosités rocheuses des tepuys, j'ai trouvé bon de rajouter cet ingrédient pour rappeler la présence minérale forte dans son milieu d'origine, et cela semble lui convenir à merveille.

Arrosage et croissance

Le "problème" du substrat résolu, abordons les conditions de culture proprement dites. J'ai remarqué en cultivant cette plante qu'elle observe une forte période de croissance pendant l'hiver alors que beaucoup de plantes sont au repos. C'est à cette période qu'elle produit le plus gros des feuilles de l'année, mais c'est aussi à la fin de l'hiver / début du printemps qu'elle fleurit sous de bonnes conditions de culture. C'est donc dès la pousse des premières feuilles qu'il faudra veiller à maintenir le substrat vraiment humide en arrosant toujours par le dessus.

Quand la floraison est finie, U.quelchii observe une période de repos pendant les mois chauds d'été, elle arrête alors quasiment de produire des feuilles, et c'est à ce moment qu'il faut veiller à légèrement laisser sécher la sphaigne en surface (pas le substrat complet !), avant de donner un petit arrosage. Ce rythme d'arrosage restreint est à conserver tout l'été et jusqu'à la reprise de la croissance pendant la mauvaise saison. Il faut rappeler que cette plante possède des tubercules souterrains lui permettant de résister à un léger déficit hydrique dans son milieu d'origine.

Lumière et température

La lumière est un paramètre qui sera facile à maîtriser, l'important est de ne pas laisser la plante au soleil direct, malgré qu'elle puisse le supporter à l'extérieur dans un environnement frais, les feuilles fonceront alors sur leur pourtour. Pour plus de sécurité, on se contentera d'une lumière vive mais pas de soleil direct.

Le dernier point, et peut-être le plus important est la température. Comme les Heliamphora avec qui elle cohabite sur les tepuys, elle nécessite une amplitude thermique jour / nuit assez importante. D'après mes observations, 10°C d'amplitude me semble un minimum à respecter, surtout en été quand les journées sont chaudes ! Durant cette période, il faut plus que jamais veiller à ne pas exposer la plante à des températures extrêmes. Le meilleur moyen est encore de la placer dehors dans un endroit lumineux et 'frais' abrité du soleil direct. L'hiver, des températures de l'ordre de 6°C la nuit et 15°C / 20°C la journée sont idéales.

NB : De manière générale, j'ai remarqué que l'amplitude thermique est d'autant plus nécessaire à la plante que les températures diurnes sont importantes. Ainsi sous un climat chaud où la chaleur baisse peu pendant la nuit il conviendra de recourir à des moyens de réfrigération, sous un climat moyen où l'on atteint environ 15°C les nuits d'été, il n'y a aucun problème. Quand à l'hygrométrie, il n'y a pas de gros soucis, celle d'une véranda, d'une serre ou même d'un jardin ombragé suffira largement.

Conclusion

U.quelchii est une plante facile à cultiver pour peu que l'on respecte son repos en été et une température à forte amplitude jour / nuit. Ce sont les deux clés d'une culture réussie, et en quelques années, vous obtiendrez une plante bien touffue qui vous gratifiera chaque printemps de plusieurs superbes hampes, couvertes de fleurs magenta à l'allure d'orchidée.

Sébastien BLASZKO

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