GENERALITES
 

Définition de la carnivorité.
Les plantes carnivores regroupent des espèces très variées appartenant à une vingtaine de genres différents. Presque toutes sont des Dicotylédones, mais l'existance de Monocotylédones également capables de capturer des proies et d'en tirer profit est un bel exemple de convergence évolutive. Cependant, les Moncotylédones prédatrices sont structurellement plus primitives que les Dicotylédones. Ainsi, Catopsis berteroniana, Brocchinia reducta, Brocchinia hectioides, et Paepalanthus bromelioides sont dépourvues de glandes nectarifères en dehors des fleurs et ne sécrètent jamais leur propres enzymes digestives. Elles possèdent un réservoir central où les proies sont assimilées à la suite d'une digestion bactérienne. Ces 4 Monocotylédones sont qualifiées de protocarnivores. D'autre part, certaines Dicotylédones ne possèdent pas l'ensemble des mécanismes de la carnivorité et leur classification parmi les espèces carnivores reste discutable. Par exemple, les Roridula capturent des insectes avec une sorte de résine mais ne les digèrent pas. Elles se contentent d'absorber par leur racines les déchets tombés au sol. Par conséquent, la limite entre plantes carnivores et non-carnivores est difficile à établir car certaines espèces sont plus ou moins spécialisées dans la carnivorité.

Les plantes reconnues comme carnivores partagent 4 fonctions principales:

 1-Attraction visuelle ou olfactive vers un piège.
 2-Capture active (avec mouvement) ou passive (sans mouvement) de la proie.
 3-Digestion de la proie par les enzymes de la plante ou par des bactéries.
 4-Absorption et assimilation des nutriments issus de la digestion.
 
 

La diversité des pièges.
Les plantes carnivores ont développées des pièges aux formes diverses capables d'attirer et de capturer des proies de manière active ou passive, puis de les digérer et d'en absorber les nutriments (principalement l'azote). Sans tenir compte de la taxonomie, il est possible de distinguer 5 catégories de pièges :

1-Les pièges adhésifs actifs ou passifs.
2-Les pièges passifs en forme d'urne (ou ascidies).
3-Les pièges actifs à charnière.
4-Les pièges à succion.
5-Les pièges passifs à nasse
 
 
 
Stades du développement des plantes carnivores.

-Le stade plantule.
Toutes les jeunes plantes carnivores ont un système racinaire très limité. Ainsi, Drosophyllum est très lent à s'ancrer dans le sol. Longtemps après la germination, des plantules de 2-3 cm de haut peuvent encore être facilement déplacées. De même, Nepenthes gracilis développe dans un premier temps un bouquet de poils racinaires insuffisants pour assurer l'ancrage de la plantule. Longs et résistants, ces poils se développent à l'extérieur de l'enveloppe superficielle de la graine avant que l'extémité de la racine ne se montre. Une très petite racine apparaît souvent après les cotylédons. Les jeunes plantes peuvent donc être déplacées et asséchées par le vent à moins qu'une forte hygrométrie assure leur survie sur sol sec. En l'absence de racines fonctionnelles le revêtement de la graine jouerait un rôle important de fournisseur d'eau par capillarité le long de sillons.
-Le stade adulte.
La forme adulte des plantes carnivores va des minuscules rosettes de Drosera occidentalis (6mm de large) et de Drosera pygmaea (10mm de large), aux immenses plantes grimpantes des forêts tropicales (Triphyophyllum peltatum et certains Nepenthes). Ce sont des plantes vivaces à un degré plus ou moins élevé. Certaines comme Drosera erythrorhiza sont connues pour leurs tubercules de plus de 50 ans, et des colonies de clones de Darlingtonia ont occupé la même zone pendant plus de 100 ans. D'autres occupent un emplacement variable au cours du temps.
Les individus de certains genres carnivores peuvent surmonter un hiver ou une saison sèche grâce à leurs tubercules ou "turions", quelques Drosera de l'Ouest Australien et d'Afrique du Sud entrent dans cette catégorie. D'autre part, certaines plantes carnivores comme Darlingtonia et Sarracenia purpurea supportent des températures basses extrèmes, et les pièges sont parfois recouverts de neige. Seules quelques espèces sont capables d'achever leur cycle de vie sur une seule saison, telles certaines espèces annuelles d'Utriculaires sp., Genlisea africana, et Drosera qui se développent pendant l'été chaud et humide de l'Ouest Africain et demeurent à l'état de graines pendant le reste de la saison.
 
 
Le système racinaire des plantes carnivores.
De nombreuses plantes carnnivores ont soit des racines fragiles (Dionaea, Pinguicula, Cephalotus, Sarracenia, de nombreux Nepenthes et les Drosera sans tubercules) soit pas du tout de racines (Utricularia, Genlisea, Aldrovanda). Il existe toutefois 4 espèces totalement à part: Drosophyllum lusitanicum, Byblis gigantea, Ibicella lutea, Triphyophyllum peltatum, qui possèdent des systèmes racinaires importants de type "phréatophyte". C'est peut être plus qu'une coïncidence si ces plantes vivent dans des milieux acides (pauvres en nutriments) qui ont une saison sèche. Ces 4 espèces possèdent un piège de type collant et passif et se reproduisent par dissémination des graines et non en formant des colonies de clones. Par opposition, toutes les autres plantes carnivores collantes sont faiblement enracinées et ont un piège actif. D'autre part, les racines des plantes carnivores ne développent pas de mychorhizes. Cependant, chez Sarracenia purpurea apparemment sain, il existe un cas où les racines portent des vésicules ou arbuscules.
 
 

Répartition géographique des plantes carnivores.
L'Australie et la Nouvelle Zélande regroupent le plus grand évantail de formes et d'habitats connus de plantes carnivores. Cette zone constituerait donc le centre possible de la diversité des genres carnivores. Ainsi, plus de 40 espèces ont été trouvées dans le secteur Sud-Ouest de l'Ouest Australien. D'autre part, le sud-ouest des Etats-Unis et l'Afrique du Sud regroupent aussi une grande variété de plantes carnivores.
Même si certaines espèces occupent un micro-habitat géographique, les plantes carnivores sont mondialement réparties. Les genres Drosera, Utricularia, et Aldrovanda sont les plus répendus. On rencontre des végétaux carnivores des hautes aux basses latitudes, dans le froid et l'aridité extrêmes, ou encore dans la semi-obscurité des forêts tropicales. Si l'on ne connait aucun exemple de plante carnivore totalement halophyte, certaines espèces sont tolérentes au sel (Dionaea, Darlingtonia, Sarracenia purpurea?, certains Nepenthes). Il existe également des plantes carnivores épiphytes.
 
 

Préferences écologiques des plantes carnivores.
Les connaissances écologiques actuelles de certaines espèces de plantes carnivores sont encore très insuffisantes, mais en général:
-Ce sont des végétaux vivaces aux racines grêles, de longévité variable,et formant souvent d'immenses colonies de clones par des stolons ou des rhizomes.
-En majorité calcifuges, les plantes carnivores occupent différents types d'habitats.
-Elles colonisent souvent des milieux pauvres en nutriments, et sont adaptées aux sols détrempés temporairement ou en permanence.
-Elles sont intolérantes à la compétition végétale des angiospermes, et dans certains cas à celle d'autres plantes carnivores et des mousses.
-Presque toutes les plantes carnivores sont intolérantes à l'ombre ou aux faibles conditions lumineuses.
-Les plantes carnivores sont incapables de faire face à la dessication.
 
 

Les plantes carnivores épiphytes.
Encore récemment, l'existance des plantes carnivores strictement épiphytes était contestée. Il est vrai que plusieurs Utricularia sp. poussent dans la mousse humide à la base des troncs ruisselants des arbres de la forêt tropicale. Pinguicula moranensis sur le continent Sud-Américain, Pinguicula lignicola à Cuba, Pinguicula casabitoana (=cladophila) dans les forêts moussues des montagnes d'Haïti poussent sur les arbres de la forêt tropicale. De manière plus convaincante, certaines Utriculaires chassent leurs proies dans l'eau retenue par des plantes épiphytes non-carnivores. Ainsi,Utricularia nelumbifolia chasse ses proies dans un Brocchinia ou unTillandsia et U. humboldtii chasse dans un Brocchinia cordylinoides. Certains Nepenthes sp. ont définitivement perdu le contact avec le sol. Toutefois, le plus convaincant de tous est un genre carnivore épiphyte obligé, Catopsis berteroniana. Cette bromelidée tillandsioïde s'étend de la Floride du Sud à travers quelques îles des Caraïbes jusqu'aux Grandes Antilles et sur le continent au sud de Mexico et à l'est du Brésil. C'est une épiphyte sur tout son territoire généralement apperçue vivant en hauteur dans les branches des mangroves (Rhizophora, Conocarpus et Avicennia), et dans les forêts montagneuses jusqu'à 1200 m.

 
 

Compétitivité et tolérence des plantes carnivores face aux autres végétaux.
Les seuls végétaux poussant généralement au voisinage immédiat d'une plante carnivore sont d'autres espèces carnivores, des Sphaignes et certaines espèces d'Orchidées. Les Sphaignes acidifient le milieu et ouvrent ainsi la voie à l'invasion par les plantes carnivores. Peu de plantes carnivores parviennent à être compétitives vis-à-vis d'autres formes de végétation. En effet, comparées à des plantes herbacées normales le taux d'accroissement d'une population de plantes carnivores est lent, même dans des conditions apparament idéales. On constate le plus souvent qu'une espèce végétale adaptée à un sol pauvre en nutriment n'est pas compétitive là où l'apport en nutriment est important. D'autre part, en attrapant et en concentrant une grande quantité de proies riches en protéines et en phosphates, les plantes carnivores terrestres tenderaient à enrichir le sol dans lequel elles vivent, fournissant ainsi une base à l'invasion compétitive. Ce phénomène pourrait expliquer en partie leur échec pour se maintenir en un lieu donné pendant de longues périodes.
 
 
Type de sol préféré des plantes carnivores.
Grâce à leur aptitude à digérer les insectes, les plantes carnivores sont avantagées par rapport aux autres végétaux dans les milieux pauvres en nutriments. Certaines espèces de Drosera nourries à partir de Drosophiles et poussant sur un sol pauvre en azote, grandissent mieux que les mêmes plantes avec un sol saturé en nutriments organiques mais sans mouches. En général, les plantes carnivores exploitent des sols non fertiles, aréniques ou granitiques, à prédominance humide ou humide par saison. Elles n'occupent pas uniquement les environnements acides et humides ou moites. En effet, Drosophyllum autour de la péninsule Ibérique, et Ibicella dans le désert de Sonoran au sud-ouest des Etats-Unis, se comportent en plantes carnivores sur des sols gréseux acides asséchés pendant plusieurs mois. Certaines Drosera tubéreuses résistent également aux longs mois chauds et secs par estivation. D'autres part, des plantes carnivores qui ne sont normalement pas aquatiques (Drosera burmenni, Dionaea et Sarracenia sp.) peuvent endurer une submertion totale temporaire.
 
Les plantes carnivores et le calcium.
Les plantes carnivores sont connues pour être calcifuges, mais il existe quelques exceptions. Ainsi, Drosophyllum, quelques Drosera et Sarracenia sont strictement calcifuges, par opposition à Drosera falconeri, une espèce du nord de l'Australie, et à Drosera erythrorhiza. Drosera anglica et Pinguicula se rencontrent habituellement dans des sites non calcaires, mais on peut les trouver sur des sols à pH basique, tels que les tufs calcaires. Des sols riches en calcaire correspondent généralement à une végétation luxuriante parmi laquelle les plantes carnivores n'ont pas leur place. Toutefois, Pinguicula vallisneriifolia évite la compétition en poussant dans un habitat précaire d'éboulis calcaires au sud de l'Espagne. De même, Nepenthes clipeata, une espèce non grimpante de Borneo colonise les éboulis calcaire. Quelques Utricularia sp. toléreraient un certain degré de calcium, mais les Utriculaires épiphytes semblent être strictement calcifuges. Les plantes carnivores qui poussent dans un environnement non calcaire ne semblent pas compter sur leur proies comme source de calcium. En général, le contenu en calcium des proies, Diptères Hémiptères Arachnides est négligeable, mais les Nepenthes attrapent couramment des escargots dans leurs urnes, de même que les Sarracenia piègent des grenouilles arboricoles et des lézards et qu'Utricularia capture parfois des poissons dans ses pièges. Dans le milieu très acide du piège, les coquilles et les squelettes sont en partie dégradés. Il est possible que certaines plantes carnivores aient des transporteurs ioniques pour le Ca2+ dans leur menbranes plasmatiques comme cela est connu pour d'autres ions.
 
 
 
 
 

 
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